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Agriculture: l'Assemblée s'empare du projet de loi pour répondre à la colère
L'Assemblée démarre en commission mardi l'examen au fond du projet de loi d'orientation agricole, réponse de l'exécutif à la colère paysanne censée rassurer les générations à venir d'agriculteurs, mais dont certaines dispositions inquiètent à gauche et chez des défenseurs de l'environnement.
S'il vise à assurer la "souveraineté en matière agricole" et le "renouvellement des générations en agriculture", le projet de loi est éclectique.
Il mêle des mesures sur la formation, les transmissions d'exploitations, ou encore l'"accélération des contentieux" en cas de recours contre des projets de stockage d'eau ou de construction de bâtiments d'élevage, en dépit d'alertes du Conseil d'Etat sur des "risques de constitutionnalité".
Le gouvernement sollicite également le droit de modifier par ordonnance la répression de certaines atteintes à l'environnement, en requalifiant par exemple des sanctions pénales en sanctions administratives.
Les débats s'annoncent longs: près de 3.000 amendements ont été déposés, dont près de la moitié par Les Républicains. Une partie importante des propositions sur les phytosanitaires ou la fiscalité agricole n'a toutefois pas passé le couperet de la recevabilité, car considérées comme trop éloignées des articles.
"On est dans un contexte de manifestations dans toute l'Europe. Chaque groupe veut porter des réponses", philosophe le président de la commission des Affaires économiques et ancien ministre Stéphane Travert, qui mènera les débats avant une arrivée attendue dans l'hémicycle le 14 mai.
- Quelle jurisprudence ? -
En présence du ministre de l'Agriculture Marc Fesneau, les députés commenceront par le plus gros morceau: l'article qui consacre "l'agriculture, la pêche et l'aquaculture" comme étant "d'intérêt général majeur".
Simple article incantatoire ? Pas seulement juge le cabinet du ministre, qui espère qu'il va "nourrir la réflexion du juge administratif" quand il aura à trancher un litige autour d'un projet agricole, lorsque celui-ci est en balance avec un impératif écologique.
"La hiérarchie des normes ne serait pas modifiée: la protection de l'environnement a une valeur constitutionnelle alors que, même +majeur+, l'intérêt général agricole n'aurait que valeur législative", pondère Didier Truchet, professeur émérite de Paris-Panthéon-Assas, dans une analyse pour Le club des juristes.
"Si vous voulez faire du panneau photovoltaïque mais que ça vient dégrader la souveraineté alimentaire, c'est quand même pas mal de se poser la question", estime une source gouvernementale, selon qui "c'est la jurisprudence" qui tranchera.
"Soit on remet en cause la Constitution et la Charte de l'environnement, soit on se moque du monde paysan. Dans un cas comme dans l'autre ce n'est pas une bonne manière", critique le socialiste Dominique Potier, pour qui le texte "réussit l'exploit de ne traiter aucun sujet majeur ou à la marge".
Pour Antoine Villedieu (RN), il "ne répond en rien aux attentes des agriculteurs".
- Les syndicats à l’Élysée -
"Il fait tout sauf répondre à l'enjeu de renouveler les générations", dénonce aussi Aurélie Trouvé (LFI). Outre l'accélération des contentieux, elle s'oppose à un article prévoyant des conditions d'investissements de capitaux fonciers dans des terres agricoles. "Ca vise à ouvrir à la finance l'accaparement des terres", dénonce-t-elle.
Fait rare, toute les oppositions et même quelques macronistes ont déposé des amendements de suppression. "Ça va beaucoup débattre", reconnaît le rapporteur Renaissance Pascal Lavergne qui insiste: "il faut qu'on ouvre le financement du foncier à d'autres que l'agriculteur". Une réécriture sera proposée face à la fronde et aux inquiétudes d'une partie du secteur.
"Nous voulons un texte, mais pas petits bras", a prévenu le LR Julien Dive, alors que le gouvernement compte sur des voix à droite, voire au PS ou chez Liot (indépendants) pour une adoption.
Côté syndicats, la FNSEA est favorable à l'esprit du texte mais attend d'autres mesures sur la fiscalité et les pesticides, demandes également formulées à droite.
La Confédération paysanne, troisième syndicat, critique le projet de loi qui "profite aux tenants de l'agro-industrie, en renforçant leur permis à polluer plus" et en "simplifiant l'agrandissement des fermes".
Une partie du travail de conviction se fait en-dehors du Palais Bourbon. Espérant mettre la crise derrière eux, Gabriel Attal a annoncé samedi une batterie de nouvelles mesures, tandis qu'Emmanuel Macron recevra les syndicats jeudi à l'Elysée, avec Marc Fesneau.
I.Meyer--BTB