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Le Kenya a commencé à élire son président, sur fond de flambée du coût de la vie
Les Kényans ont afflué dès l'aube dans les bureaux de vote pour élire mardi un nouveau président, mais aussi des députés et élus locaux lors de scrutins à forts enjeux pour la locomotive économique d'Afrique de l'Est, frappée par une flambée du coût de la vie.
Les 22,1 millions d'électeurs doivent voter six fois pour déterminer l'avenir politique de ce pays considéré comme un îlot démocratique dans une région instable, mais qui fut aussi le théâtre de graves violences il y a quinze ans.
Le duel s'annonce serré entre les deux principaux candidats à la présidence, des figures du paysage politique. , 77 ans, vétéran de l'opposition soutenu par le pouvoir, affronte , 55 ans, vice-président qui fait figure de challenger.
Le scrutin se déroulait majoritairement dans le calme en cette journée déclarée fériée. L'ambiance était même festive à Kisumu, grande ville de l'Ouest et bastion d'Odinga, où les motos-taxis faisant hurler leur klaxon et les passants leurs vuvuzelas.
"Je suis venue ici à 04h00 (01h00 GMT) du matin pour voter, avec beaucoup d'espoir et de foi", a déclaré dans le centre de Kisumu Clara Otieno Opiyo, une vendeuse de légumes de 35 ans, son fils de 5 ans drapé dans le dos.
Raila Odinga a voté en milieu de matinée dans le bidonville de Kibera, à Nairobi, un autre de ses fiefs, tandis que son adversaire a glissé son bulletin peu après l'ouverture des bureaux dans le village de Kosachei, près d'Eldoret, au coeur de sa natale vallée du Rift.
- Nouvelle ère -
Si aucun des deux adversaires, qui se connaissent bien pour avoir été alliés dans le passé, n'obtient mardi plus de 50% des voix, le Kenya connaîtra pour la toute première fois un second tour dans une élection présidentielle.
Quelle que soit l'issue, le nouveau président marquera l'histoire en n'appartenant pas à la communauté kikuyu, la première du pays, qui contrôle le sommet de l'Etat depuis vingt ans et dont est issu le sortant Uhuru Kenyatta - que la Constitution empêchait de se représenter après deux mandats.
M. Odinga, allié à Kenyatta depuis un pacte surprise en 2018, est un Luo tandis que M. Ruto est un Kalenjin - deux autres importantes communautés.
Dans ce pays historiquement marqué par le vote tribal, certains experts estiment que ce facteur pourrait s'estomper cette année face aux enjeux économiques, tant la flambée du coût de la vie domine les esprits des quelques 50 millions d'habitants.
La pandémie, puis la guerre en Ukraine ainsi qu'une sécheresse record, ont durement touché ce poids lourd du continent, qui malgré une croissance dynamique (7,5% en 2021) reste très corrompu et inégalitaire.
"Nous souffrons tellement à cause de l'inflation. Actuellement nous ne pouvons même pas cuisiner notre aliment de base qui est l'ugali parce qu'il n'y a pas de farine de maïs dans les supermarchés", a déclaré Alice Waithera, assistante sociale de 56 ans et électrice dans le centre financier de Nairobi.
William Ruto, qui s'érige en défenseur des "débrouillards", a martelé son ambition de "réduire le coût de la vie". M. Odinga a lui promis de faire du Kenya "une économie dynamique et mondiale", composée d'une seule "grande tribu".
- Spectre des violences -
Historiquement, la composante ethnique a nourri les conflits électoraux, comme en 2007-2008 quand la contestation des résultats par M. Odinga avait conduit à des affrontements inter-communautaires faisant plus de 1.100 morts.
Quinze ans ont passé depuis ces violences mais leur spectre continue de planer.
En 2017, des dizaines de personnes étaient mortes dans la répression de manifestations, après une nouvelle contestation par M. Odinga des résultats du vote - finalement annulé par la Cour suprême dans une décision historique.
"Le vote ne doit pas être une question de vie ou de mort, il est grand temps que le Kenya réalise que le vote est comme les autres exercices. Dans chaque compétition, il y a un gagnant et un perdant", a déclaré à Eldoret Hussein Kassim, un exportateur de carburants de 35 ans.
Excepté un impressionnant flux de désinformation sur les réseaux sociaux, la campagne fut globalement paisible. Quelque 150.000 officiers doivent cependant être déployés à travers le pays.
Mardi matin, quelques rares cas de perturbations liées à l'usage des kits biométriques d'identification des électeurs ont été signalées notamment à Nairobi.
Des sources diplomatiques ont affirmé à l'AFP avoir bon espoir que le calme prévaudrait mardi mais ont insisté, dans ce pays marqué par la suspicion de fraudes, sur l'enjeu de la rapidité dans la publication des résultats.
La Commission électorale, soumise à une pression extrême, a jusqu'au 16 août pour déclarer les résultats.
Les quelque 46.000 bureaux de vote doivent fermer à 17H00 (14h00 GMT).
R.Adler--BTB